Un missionnaire US tué en tentant d'évangéliser le peuple le plus isolé du monde
John Chau a été tué sur l’île de North Sentinel où aucun réel contact n’a encore été possible avec les autochtones.
Les Sentinelles sont un peuple chasseur-cueilleur qui vit coupé du monde extérieur sur l’île de North Sentinel, dans les îles Andaman, un archipel dans l’océan Indien rattaché à l’Inde. Souvent décrite comme la tribu la plus isolée de la planète, coupée de la civilisation et hostile au monde moderne, ses membres vivent en autarcie depuis des siècles sur cette île que l’État indien interdit depuis 2010 d’approcher à moins de cinq kilomètres.
Ce peuple de chasseurs-cueilleurs qui compterait environ 150 personnes s’attaque d’ailleurs à quiconque pose le pied sur sa petite île de la mer d’Andaman. Le 16 novembre, John Chau, un globe-trotteur américain de 27 ans, venant d’Alabama, a été encerclé et tué à peine arrivé transporté par un bateau de pêcheurs qu’il avait payés . En débarquant, John Chau a reçu une volée de flèches, a déclaré une source policière. « Il a été attaqué avec des flèches, mais il a continué à marcher. Les pêcheurs ont vu les habitants de l’île lui nouer une corde autour du cou et traîner son corps », a poursuivi cette source. Les pêcheurs « ont pris peur et se sont enfuis, mais ils sont revenus le matin suivant et ont vu son corps sur la plage », a-t-elle ajouté. La police indienne a ouvert une enquête pour meurtre.
Les sept pêcheurs ont par ailleurs été arrêtés en lien avec cette affaire, l’approche de l’île étant formellement interdite. Le voyageur « avait essayé d’atteindre l’île Sentinel le 14 novembre mais n’y était pas parvenu. Deux jours après, il y est allé très préparé. Il a laissé l’embarcation à mi-chemin et a pris un canoë jusqu’à l’île », a raconté l’une des sources policières.
Les photos des comptes Facebook et Instagram de John Chau dressent le portrait d’un jeune homme, féru de voyages. Croyant, certains médias indiens avancent même que c’était un missionnaire. « Les gens ont cru que c’était un missionnaire, car il a parlé de sa foi. (…) Mais ce n’en était pas un au sens strict. C’était un aventurier », a déclaré Dependra Pathak, le chef de la police des îles Andaman, au site Internet indien The News Minute.
« Vous pensez peut-être que je suis fou de faire tout ça mais je pense que ça vaut la peine d’apporter Jésus à ces gens », a écrit John Chau à sa famille, dans une ultime lettre rédigée le matin de sa mort. « Ce n’est pas en vain – les vies éternelles de cette tribu sont à portée de main et j’ai hâte de les voir adorer Dieu dans leur propre langage. »
Son journal révèle qu’il avait préparé ce projet de longue date et dans le secret, « au nom de Dieu ». La veille de sa mort, il a approché à deux reprises les Sentinelles. Il parvient à donner à l’un d’entre eux, dont le visage est recouvert d’« une poudre jaunâtre », des cadeaux. Mais un enfant lui décoche une flèche qui se coince dans sa Bible. Il prend alors la fuite à la nage jusqu’au bateau de pêcheurs. « JE NE VEUX PAS MOURIR ! », note-t-il en lettres capitales, visiblement sous le choc. « Je pourrais rentrer aux Etats-Unis car rester ici semble signifier une mort certaine. » « J’y retourne [sur l’île]. Je vais prier pour que tout se passe bien », indique ses dernières lignes, datées de 6 h 20 du matin, le 16 novembre.
Risque de contamination
Dans un communiqué, l’ONG de protection des tribus autochtones Survival International a dénoncé « une tragédie qui n’aurait jamais dû se produire ». En raison de leur isolement ancestral du reste de l’humanité, « il n’est pas impossible que les Sentinelles viennent d’être contaminées par des agents infectieux mortels [apportés par le voyageur américain] contre lesquels ils n’ont pas d’immunité, avec le potentiel d’éradiquer toute la tribu », s’est alarmée l’organisation, dont le siège est en Grande-Bretagne.
Survival International pense que cette tribu descend des premières populations humaines à être parties d’Afrique et vit aux Andaman depuis soixante mille ans.
L’histoire des Sentinelles avait fait le tour du monde à l’occasion d’une photographie emblématique réalisée peu après le tsunami de 2004, qui s’est produit au large de l’île indonésienne de Sumatra. Les gardes-côtes indiens avaient alors survolé l’île pour savoir si les autochtones avaient survécu à la catastrophe. Pris du ciel, le cliché montrait un homme essayant d’abattre leur hélicoptère à l’aide d’un arc et de flèches.
Cliché pris après le tsunamin de décembre 2004 montrant un membre de la tribu des Sentinelles essayant d’abattre un hélicoptère des gardes-côtes indiens à l’aide d’un arc et de flèches. Handout / REUTERS
Le gouvernement indien a tenté plusieurs expéditions pendant les années 1970 et 1980 pour entrer contact avec les Sentinelles. Après une succession d’échecs, l’Inde y a officiellement renoncé dans les années 1990.
En 2006, deux pêcheurs indiens dont le bateau avait dérivé pendant leur sommeil jusqu’au rivage de North Sentinel avaient été tués.
Les autorités indiennes s’assurent occasionnellement de la bonne santé des Sentinelles en observant la rive à partir d’un bateau, ancré à une distance respectable de l’île.
source : https://www.lemonde.fr/international/article/2018/11/21/un-globe-trotteur-americain-tue-par-des-membres-de-la-tribu-isolee-des-sentinelles_5386634_3210.html