découvertes archéologiques et Temple de Salomon
L’idée de construire un Temple majestueux en l’honneur du dieu des Hébreux et dans lequel reposerait l’Arche d’Alliance fut formulée par le roi David, mais c’est sous le règne de Salomon qu’elle se concrétisa. Un monument somptueux s’éleva sur la plus haute colline de Jérusalem, sans doute au Xe siècle avant notre ère, et demeura en place jusqu’à sa destruction par les Babyloniens au VIe siècle av. J.-C. Il fut remplacé plus tard par un Second Temple, élevé au Ier siècle av. J.-C. au même endroit par le roi Hérode le Grand. Le deuxième ouvrage fut à son tour entièrement détruit par les légions romaines en 70 ap. J.-C.
Le projet
A l’origine, le roi David avait souhaité bâtir un Temple en l’honneur de Yahweh et où reposerait l’Arche d’Alliance. Le projet fut reporté car Dieu signifia à David, par l’intermédiaire du prophète Nathan, qu’il avait fait couler trop de sang au cours de ses guerres pour en être digne, et que la construction du sanctuaire se ferait au cours du règne pacifique de son fils.
Salomon devenu roi entreprit la construction du Temple monumental. Il obtint le concours de l’ancien allié de son père, le phénicien Hiram de Tyr, qui œuvra dans le cadre d’une collaboration entre les deux Etats. Hiram mit à la disposition des Israélites les meilleurs ouvriers et les matériaux les plus précieux de son pays : or, bronze, cyprès, olivier, cèdre du Liban … Le bâtiment fut érigé au sommet du mont Moriya, l’actuel mont du Temple qui domine aujourd’hui encore la cité de Jérusalem.
Jérusalem et le mont du Temple aujourd’hui.
(en.wikipedia.org).
Deux descriptions détaillées du Temple de Salomon sont faites dans le premier livre des Rois (6-7) et dans le second livre des Chroniques (3-4). L’édifice était rectangulaire et mesurait trente mètres de long, dix de large et quinze de haut. L’entrée était orientée vers l’Est et précédée de deux immenses colonnes de bronze soigneusement travaillées. Une solide charpente de bois supportait une toiture en terrasse. Sur les faces extérieures des murs latéraux étaient adossés trois étages de cellules servant aux prêtres et au stockage des réserves. Tout autour s’étendait une grande cour soutenue par un puissant mur de soutènement en maçonnerie.
L’intérieur du bâtiment était divisé en trois pièces successives : le vestibule ou porche d’entrée (Ulam), la grande salle de culte ou lieu saint (Hékâl) et le saint des saints (Débir), ce dernier étant destiné à abriter l’Arche de l’Alliance.
Représentation du Temple de Salomon. (fas.harvard.edu) |
Plan du temple de Salomon. (huc.edu/arubin). |
L’ornementation du sanctuaire relevait de la plus grande magnificence. Les parois intérieures étaient recouvertes de planches de cèdre entièrement revêtues d’un placage en or et sculptées de divers motifs. Les portes intérieures et extérieures étaient taillées en olivier et ornées de diverses figures réhaussées d’or.
Un mobilier liturgique également fastueux, consacré surtout au rituel des sacrifices d’animaux, complétait le monument. Près de l’entrée était placée une « mer de bronze » ou grande cuve portée par douze taureaux d’airain, ainsi qu’un imposant autel de bronze. Sur les côtés, dix autres chaudrons de bronze étaient disposés sur des châssis roulants. A l’intérieur, la grande salle contenait une table d’offrande pour les « pains de proposition », un autel à parfums et dix autres tables portant autant de chandeliers d’or massif. Dans le saint des saints, deux grands chérubins en olivier plaqué or et aux ailes déployées devaient protéger l’Arche.
Les livres bibliques relatent la cérémonie inaugurale et le transfert solennel de l’Arche d’Alliance, qui eurent lieu après l’achèvement du Temple. Le coffre sacré, qui avait été jusque-là conservé sous la tente de la Réunion installée dans la cité de David, prit place à l’intérieur du nouveau sanctuaire. Devant le peuple rassemblé, le roi Salomon prononça un discours et une prière de bénédiction, après lesquels le monument fut « rempli par la nuée de la gloire de Yahweh ». Un grand nombre d’animaux furent offerts en sacrifice.
Le Temple de Salomon resta debout pendant plusieurs générations de rois. Plus ou moins bien entretenu selon les époques, il subit une destruction totale lors de la prise de Jérusalem par les Babyloniens en 587 av. J.-C.
Les recherches archéologiques
Il ne reste aujourd’hui plus aucun vestige du fameux monument. La cour et le mur de soutien qui l’entouraient ont laissé la place à l’actuelle « esplanade des mosquées », plus large et entourée d’un mur bâti à des époques ultérieures. L’esplanade est occupée par deux ouvrages d’architecture musulmane, le dôme du Rocher au centre et la mosquée Al-Aqsa au Sud. Reconnaissable de loin à sa grande coupole dorée, le dôme fut construit par le sultan Omar en l’an 791 de notre ère pour abriter un objet plus que sacré : le rocher depuis lequel les musulmans considèrent que le prophète Mahomet se serait envolé vers le ciel. En outre, d’autres traditions légendaires y placent également plusieurs évènements bibliques, tels que la création d’Adam, le sacrifice d’Isaac, l’échelle de Jacob …
Dissimulé sous sa coupole d’or, le rocher d’Omar est un volumineux bloc naturel non taillé d’une longueur de dix-sept mètres. On ignore si les deux Temples successifs furent bâtis exactement à son emplacement. Aujourd’hui protégé par la haute coupole du dôme, il surplombe lui-même une grotte à laquelle on accède par un escalier descendant. Le sol de cette salle souterraine est dallé, et en son milieu une grande dalle de pierre taillée a la particularité de sonner creux. Ce détail a intrigué bon nombre de visiteurs dont la curiosité n’aurait jamais dû être satisfaite, car ce sanctuaire musulman est interdit de fouille.
Le dôme du Rocher vu du mont des Oliviers |
Le Rocher vu de l’intérieur de la coupole (christusrex.org). |
Les premières explorations contemporaines du mont du Temple et du souterrain du rocher d’Omar se firent dans la clandestinité. En 1911, un aventurier britannique, le capitaine Montague Parker, était en quête des trésors perdus du roi Salomon et pensait que ceux-ci étaient cachés sous l’ancien Temple. Il tenta une intrusion nocturne dans la grotte du dôme du rocher afin d’en soulever le dallage. Ayant acheté le silence de ses gardiens, et aidé de plusieurs ouvriers, il tenta de se glisser discrètement sous cette pierre.
Lui et ses complices étaient sur le point de réussir à dégager le passage, lorsque le bruit qu’ils firent en creusant alerta l’un des gardiens qui n’était pas dans le coup. Parker et ses serviteurs n’eurent que le temps d’apercevoir l’ouverture d’un puits profond, avant d’être pris sur le fait et arrêtés. On frôla l’incident diplomatique, mais les intrus réussirent à s’échapper puis à quitter précipitamment la Palestine, pour ne plus jamais y retourner … Le passage souterrain n’a jamais été exploré depuis, et de nos jours encore la grotte du dôme du Rocher garde sa part de mystère [1][2].
L’intérieur du Dôme montrant la grotte sous le Rocher,
d’après une gravure ancienne
(lifeintheholyland.com).
Aujourd’hui, les fouilles du secteur du mont du Temple ont lieu dans le contexte difficile de la présence des deux communautés en conflit. L’autorité musulmane gestionnaire de l’esplanade du Temple, le Waqf, maintient l’interdiction d’y faire des fouilles. Au grand dam des Israéliens, elle y a même entrepris des travaux de creusement d’une mosquée souterraine, remuant au bulldozer des tonnes de terre déversées ensuite dans une décharge publique et dans la vallée du Cédron.
Reconstitution du mont du Temple au temps d’Hérode
(mc-rall.de/histnt.htm).
Du côté israélien toutefois, le professeur israélien Gabriel Barkay a décidé de fouiller ce tas de décombres. Avec l’aide de l’association Temple Mount Sifting Project créée pour l’occasion, il y trouva des artéfacts datant de diverses époques, y compris celle de la monarchie judéenne, et comprenant des céramiques, des pièces de monnaie et des sceaux d’argile. Une empreinte de sceau portant en hébreu la mention : « De Gabaon, pour le roi » concerne doute le versement d’un impôt par la cité biblique de Gabaon [3].
Les éléments mobiliers
Le problème de l’accessibilité du mont du Temple aux archéologues ne les a pas empêchés de partir en quête d’éléments mobiliers supposés en provenir. Il existe de rares objets épars dont l’origine est mal connue mais qui semblent se rapporter au Premier Temple de Yahweh. Leur authenticité est souvent discutée, ce qui nécessite une étude scientifique rigoureuse.
L’un des plus anciens indices relatifs au Premier Temple est une inscription assez significative tracée sur un tesson de poterie provenant de Tel Arad. Quatre lignes peintes en hébreu ancien constituent apparemment un reçu de trois sicles d’argent, donnés via un certain Zacharie à la « maison de Yahweh ». L’inscription est ainsi rédigée : « Comme te l’a ordonné le roi Ashyyahou, donne par l’intermédiaire de Zakaryahou l’argent de Tarshish pour la maison de Yahweh : trois sicles ». Ce document daté d’entre le IXe et le VIe siècle av. J.-C. semble se référer au Temple de Jérusalem, à moins qu’il ne s’agisse d’un autre sanctuaire plus local. Le monarque mentionné ici sous le nom d’Ashyyahou pourrait être le roi Josias, qui d’après la Bible organisa effectivement une collecte pour restaurer le Temple, et dont l’un des officiers chargés de la perception des fonds s’appelait précisément Zacharie (2 R. 22, 3-7 ; 2 Chr. 35, 8) [4].
L’ostracon de Tel Arad.
(interbible.org).
Un autre artéfact relatif au premier sanctuaire de Jérusalem est un petit objet d’ivoire taillé en forme de grenade et qui a récemment soulevé beaucoup de passions. Il fut acheté un jour de 1980 par le musée d’Israël à un antiquaire pour un prix fort élevé. Long de quatre à cinq centimètres, il porte une inscription faisant apparemment référence au premier Temple. Le texte gravé en hébreu ancien peut en effet se traduire par : « Appartenant au Temple de Yahweh, sacré aux yeux des prêtres ». On suppose que cette grenade faisait partie de l’ornement d’un sceptre utilisé par le grand prêtre du Temple de Salomon.
En 2004, le Service des Antiquités d’Israël déclara après expertise que l’inscription gravée sur cette grenade était fausse, quoique l’objet lui-même fût peut-être très ancien [6]. D’autres spécialistes de l’épigraphie se penchèrent également sur cet objet, mais sans parvenir à définir l’âge de l’inscription. Cet indice dont l’authenticité est suspecte soulève le problème épineux du trafic des objets de contrefaçon.
La grenade en ivoire qui proviendrait du temple de Salomon |
L’inscription de la grenade d’ivoire |
La difficulté d’authentifier les objets mobiliers antiques et les inscriptions qu’ils portent est également illustrée par l’affaire de la « stèle de Joas », une plaque de grès qu’un collectionneur privé apporta en 2001 au bureau d’études géologiques d’Israël pour la faire examiner. La pierre porte quinze lignes d’un texte gravé en hébreu ancien. Celui-ci rend compte d’une réparation du Temple effectuée par le roi Joas, un descendant de David qui régna sur Jérusalem autour de 800 av. J.-C.. Le fait pourrait en effet correspondre à une restauration du Temple menée par ce monarque et rapportée dans le second livre des Rois (12, 1-6 ; 11-17).
La pierre gravée attribuée au roi Joas
(bib-arch.org).
La stèle de Joas fut étudiée par le bureau géologique israélien, qui dans un premier temps l’authentifia avec le concours de deux éminents épigraphistes, Nahman Avigad et André Lemaire. Mais entretemps son propriétaire fut soupçonné de contrefaçon à propos d’autres objets antiques, et bientôt arrêté. Une enquête de la police israélienne permit de remonter à un réseau de faussaires qui fut démantelé. La stèle de Joas fut alors réexaminée par le professeur Yuval Goren, de l’Université de Tel-Aviv, qui après avoir étudié en détail l’origine de la pierre, la forme des lettres et la composition de la pellicule d’impuretés de surface, déclara que cet objet était sans doute lui aussi l’oeuvre d’une contrefaçon [7].
Cependant d’autres spécialistes comme Amnon Rosenfeld, du même bureau d’études géologiques, ne furent pas de cet avis [8]. Ils procédèrent à leur tour à un examen approfondi et relevèrent plusieurs erreurs commises lors de la seconde expertise. De plus, l’observation la plus surprenante qu’ils firent est la présence inattendue de fines particules d’or fin intégrées à la couche d’impuretés déposée en surface. D’où venait cet or ? Son existence ne pouvait s’expliquer que si l’objet s’était trouvé en présence de vapeurs de ce métal en fusion, conditions qui furent peut-être réunies lors de l’incendie qui détruisit le Temple en 587 av. J.-C.. Toujours est-il que plusieurs chercheurs se prononcèrent pour l’authenticité de l’inscription.
Comme on le voit, l’examen des objets mobiliers antiques dont la provenance est mal définie pose de délicats problèmes d’authentification. Seuls les objets découverts lors de fouilles archéologiques déclarées et bien localisées ne sont pas sujets à de tels doutes.
Références :