Le cash va t-il bientôt disparaitre ?
Direction la Monnaie de Paris, une entreprise publique installée dans un palais du XVIIIe, en plein cœur de la capitale, qui fabrique les pièces. Ce sont1,3 milliard de pièces qui sont produites chaque année : des pièces courantes, mais aussi des pièces de collection (il existe, par exemple, une pièce de 5.000 euros. Une pièce courante de 2 euros coûte 17 centimes à fabriquer. Vous imaginez le bénéfice que fait cette entreprise, puisqu’elle nous la revend évidemment 2 euros. À l’inverse, les pièces de 1 centime coûtent en réalité à fabriquer plus qu’elles ne valent.
Mais l’argent qu’on a sur nos comptes n’est pas fait dans les usines de la Monnaie de Paris. Seul le liquide et les espèces sont fabriquées. Or, l’argent liquide ne représente qu’une fraction des 11.500 milliards d’euros en circulation dans la zone euro. Le reste est créé soit par les banques commerciales, quand elles distribuent des crédits, soit par la Banque centrale européenne et la Banque de France, avec un jeu d’écriture sur écran. Au bout du bout, la création monétaire c’est tout simplement quelques zéros sur un écran d’ordinateur.
Le pouvoir politique confère sa valeur à l’argent
On peut donc créer de l’argent à partir de rien ? C’est une fiction, un acte de foi en quelque sorte. Il y a quand même des garanties dans les sous-sols de la Banque de France : 2.500 tonnes d’or, en barres de 12 kilos, et des dizaines de milliards en devises étrangères. Mais la valeur de tout cela est bien inférieure à la masse d’argent qui circule dans l’économie, elle ne peut pas la garantir en totalité. C’est pour cela que, de tout temps, création de la monnaie et pouvoir politique ont été intimement liés.
C’est le pouvoir politique qui confère sa valeur à l’argent. C’est lui qui la garantit, parce qu’il a le monopole de la violence légitime. C’est pour cela qu’il y a longtemps eu la tête de nos monarques gravées sur les pièces, les rois, Napoléon, ou même des hommes politiques élus. L’histoire veut que Louis XVI, lorsqu’il était en fuite à Varenne, ait été reconnu par un aubergiste, justement à cause de son portrait sur les pièces qu’il a utilisées pour payer, et ainsi arrêté puis guillotiné.
Très chères espèces !
Le premier billet de banque a été créé en Suède en 1666, tout simplement parce que les pièces de monnaies en cuivre avaient atteint le poids de 20 kilos. Il fallait évidemment un âne ou un chariot en guise de porte-monnaie. Le liquide disparaît de plus en plus au profit de l’électronique. Qu’est-ce que ça va changer ? La Suède est déjà avancée sur cette route. Le Danemark la suit : il ne sera bientôt plus obligatoire d’accepter le liquide à Copenhague. Au Danemark, les boutiques pourront désormais refuser les paiements en liquide entre 22 heures et 6 heures. L’évolution est similaire en Asie.
En fait, les espèces coûtent cher à fabriquer et à transporter, c’est un moyen de paiement qui n’est pas très compétitif. Le seul problème – il est quand même de taille -, c’est qu’avec la disparition du cash, il n’y a plus de confidentialité dans l’utilisation que vous faites de votre argent.
QUELLE EVOLUTION EN FRANCE DANS UN AVENIR PROCHE ?
Michel Aglietta est économiste, conseiller scientifique au CEPII (Centre d’Etudes Prospectives et d’Informations Internationales) et membre du Haut Conseil des Finances publiques depuis 2013. Il est l’auteur du livre La monnaie. Entre dettes et souveraineté (Odile Jacob, 2016).
« Une monnaie peut exister sans espèces. La France va suivre le chemin de la Scandinavie mais beaucoup plus lentement. Car ça coûte aux banques de faire l’intermédiaire. Ce que les gens ne comprennent pas c’est que plus on dématérialise les moyens de paiement, plus le système est lourd. Ça suppose des ordinateurs, ça consomme plus d’électricité etc… Ces systèmes de paiement sont fragiles, il faut qu’ils soient régulés. Parce qu’une panne dedans peut avoir des effets assez catastrophiques.
Mais c’est vrai que cela va dans le sens de l’Histoire. On est passé du paiement au détail avec beaucoup de billets, puis on est passé aux chèques, peu sécurisés. La carte électronique est ensuite arrivée, et on peut aller maintenant aller vers une monnaie virtuelle.
Les individus aussi suivent l’évolution des technologies, c’est normal qu’il y ait moins de cash qu’avant. Mais certains pays ont un rapport différent par rapport au cash. Les Allemands par exemple, font confiance à l’argent liquide, plus que dans d’autres pays, c’est pour eux que l’Europe a fait les grosses coupures.
En France, on n’est pas comme les Scandinaves, même si la proportion de cash a fortement baissé ces 30 ou 40 dernières années. Les pays scandinaves sont dans cette logique parce que l’informatique a été très fortement développée. En même temps, ce sont des pays de petite dimension, c’est donc plus facile de réaliser cette conversion en cash électronique. Mais les gens aiment aussi le fait que l’usage du cash soit anonyme. Et la dématérialisation du paiement fait que les transactions sont traçables.
Pour que le cash disparaisse, il faudrait que les systèmes de paiement aient été profondément transformés. Et ça prendra beaucoup de temps. Les systèmes de paiement évoluent depuis des milliers d’années. La monnaie n’est pas un objet, c’est un système qui doit être centralisé. Pour l’heure, les systèmes de paiement sont hiérarchisés et vérifiés par la Banque centrale. Elle émet une dette fiable puisque tout le monde a une confiance unanime en cette monnaie. Il faudrait donc que la Banque centrale émette du cash électronique. »
sources : http://www.rtl.fr/actu/societe-faits-divers/l-argent-liquide-va-t-il-vraiment-disparaitre-7788976337
http://rmc.bfmtv.com/emission/la-cash-va-t-il-disparaitre-de-nos-porte-monnaie-ca-va-dans-le-sens-de-l-histoire-1187081.html