Algérie : les menaces contre les conversions au christianisme
Le gouvernement algérien réprime tout acte de conversion au christianisme. Les chrétiens algériens lancent un appel pour plus de liberté religieuse. De nombreux témoignages révèlent en effet la persécution radicale menée par le gouvernement alors que l’Algérie a lancé le 16 mai dernier «la Journée internationale du vivre ensemble». «À l’heure où l’Algérie envoie, d’une main, 100 imams en France pour le ramadan, elle étouffe, de l’autre, le droit des chrétiens à vivre leur foi et à se développer», dénoncent-ils. Face à une telle situation, l’Eglise protestante d’Algérie a convoqué ce jeudi 24 mai une assemblée générale extraordinaire, à Alger, pour essayer de trouver une issue.
Depuis le 28 février 2006, une ordonnance signée par le président de la République algérienne condamne lourdement tout acte de conversion d’un musulman à une autre religion. « Quand on demande aux catholiques de prendre position et de nous soutenir, ils se taisent. Ils restent neutres. L’État les laisse tranquilles tant qu’ils ne font pas de baptêmes, ni de prosélytisme, explique au quotidien Mustapha Krim, ancien président de l’EPA et pasteur à Bejaïa. En France, les musulmans obtiennent des droits, et nous, chrétiens algériens, on nous les enlève. Nous demandons seulement 1 % de la liberté religieuse en Algérie dont jouissent les ressortissants et descendants algériens musulmans en France, pas plus ». Comme le rappelle Le Figaro, l’Algérie compte 68 500 chrétiens, soit 0,2 % d’une population de 41 millions d’habitants.
DES DIFFICULTÉS ADMINISTRATIVES IMPOSÉES AUX ÉGLISES
Le 2 mars 2018, dans le village d’Azaghar, au nord de l’Algérie, une petite église fonctionnant depuis plus de 6 ans a été contrainte de cesser toute activité. Il s’agit de la quatrième église à fermer ses portes au cours des 4 derniers mois, selon Portes Ouvertes. Les trois autres se trouvaient dans la ville d’Oran ou aux environs. Ses trois dernières sont affiliées à l’Eglise protestante d’Algérie (EPA), officiellement reconnue par le gouvernement depuis 1974.
Mohamed Aissa, ministre algérien des Affaires religieuses, a nié toute discrimination contre la minorité chrétienne du pays. Il a déclaré à la chaîne d’information Ennahar TV que les églises avaient été fermées parce qu’elles ne respectaient pas les normes de sécurité requises pour un lieu de culte. Un avis que ne partagent pas certains observateurs des droits humains. Ils estiment que ces fermetures font partie d’une campagne coordonnée d’action contre les églises par les autorités. Le fait que 25 des 45 églises affiliées à l’EPA aient reçu des notifications pour se conformer aux normes de sécurité au cours des derniers mois plaide en faveur de la thèse de la répression, note l’ONG protestante.
Les demandes des églises ignorées
D’après l’EPA, le gouvernement applique une loi sur la régularisation du culte non-musulman, qui précarise les minorités. Entrée en vigueur en 2006, cette loi stipule qu’une permission préalable doit être obtenue avant de pouvoir utiliser un bâtiment pour y célébrer des cultes non-musulmans, et que conjointement, le culte ne peut être conduit que dans des bâtiments spécifiquement désignés à cet effet. Un responsable de l’Eglise locale, qui souhaite garder l’anonymat, a déclaré que le gouvernement « ne fait absolument rien pour aider les communautés chrétiennes à s’offrir un lieu de culte adéquat ».
Faute d’autorisation officielle, les chrétiens sont donc poussés à louer des locaux et informent les autorités dans un second temps. Qui plus est, les propriétaires qui louent un bâtiment à une église sont menacés et intimidés par les autorités, rendant encore plus difficile pour les communautés chrétiennes de trouver un endroit pour se rencontrer.
Contexte religieux tendu
Réélu pour un quatrième mandat en 2014, le président Abdelaziz Bouteflika gouverne un pays qui peine à retrouver sa stabilité, après les violentes insurrections islamistes qui ont marqué son histoire récente. Si les chrétiens étrangers y jouissent de la liberté de culte, les chrétiens algériens d’arrière-plan musulman, sont discriminés, harcelés et vivent dans la crainte d’être accusés de blasphème. La pratique de leur foi est considérablement restreinte par l’Etat et la société, comme le relève l’Index mondial de persécution édité chaque année par l’association Portes Ouvertes, qui lutte contre la discrimination religieuse. En 2018, l’Algérie se classe en effet au 42ème rang des pays où les chrétiens sont les plus persécutés.