Militaire et chrétien : je suis prêt à ôter une vie, mais « je ne tuerai point ».
Après la sortie du film « Tu ne tueras point » dans lequel Mel Gibson filme l’histoire vraie d’un soldat chrétien, voici celle de Pierre Bredeau, militaire et chrétien…
Comment je suis devenu soldat
Né en 1981 dans une famille fraîchement convertie à la foi chrétienne, j’ai toujours entendu le fameux « Tu ne tueras point », agrémenté, dès les histoires d’enfants, par la fameuse tragédie entre Abel et Caïn. Mon père était contre toute forme de violence et donc contre toute arme à feu et ce qui s’en rapprochait, à tel point que j’étais obligé de regarder les dessins animés du club Dorothée chez un ami en cachette. Ne lui dites pas hein ?! Malgré cet environnement familial, jusqu’à mes 17 ans, je voulais devenir pilote de chasse comme Tom Cruise (gloups !) et Papi Charles. OK mon Papi Charles n’a été « que » militaire dans l’armée de l’Air, mais quand on est petit, c’est pareil ! J’aurais aussi voulu être vétérinaire comme Papa (ou presque), ou missionnaire comme mon cousin Etienne.
J’ai grandi et je ne suis pas devenu vétérinaire : quand j’ai vu un chien mourir, je me suis dit que je ne supporterai pas de ne pas pouvoir sauver tous les animaux… Pilote de chasse n’était plus un choix possible pour moi avec mes lunettes. A 20 ans, j’ai donc décidé de m’engager dans l’Armée de Terre française. J’ai ainsi servi durant 10 années en tant que sous-officier spécialiste des réseaux de télécommunications dans une unité de véhicules blindés légers : période au cours de laquelle j’ai participé à l’opération Trident au Kosovo en 2004 et effectué plusieurs exercices en France et à l’étranger.
Et donc, Pierre, le fameux « Tu ne tueras point », qu’en as-tu fait ?
Et bien avant de m’engager, de mes 15 ans à mes 18 ans, j’ai prié, prié, et re-prié, j’ai mâchouillé dans tous les sens ce verset. Un jour, dans l’église que j’avais l’habitude de fréquenter, je vis un livret qui portait ce titre : « Tu ne tueras point ! ». Là, j’ai appris qu’il fallait toujours revenir au contexte et au sens originel quand on lit sa Bible, de manière générale. Pour le commandement divin qui nous intéresse ici, le sens originel en hébreu signifie donc « Tu n’assassineras pas », « Tu ne commettras pas de meurtre ».
Plus loin, dans les Évangiles, on retrouve Jean-Baptiste qui, à la question des soldats « Et nous, que ferons-nous ? », répond : « Contentez-vous de votre solde (…) », et non « Déposez les armes, enlevez votre uniforme, faites des câlins à tout le monde ». On connaît aussi Corneille, cet officier romain qui aimait Dieu et marcha à la suite de Christ, tout en restant officier de l’armée romaine.
Le soldat est un serviteur par essence
Le cadre qui entoure le difficile métier de soldat est avant tout un cadre légal : le soldat est le bras armé de l’Etat (donc du peuple) qui l’emploie pour le défendre et assurer sa sécurité. C’est un métier difficile car il demande un entraînement constant pour garder notamment la maîtrise de soi en toutes circonstances, et donc rester dans le cadre de la Loi et ne pas commettre de meurtre.
Il est le seul métier pour lequel on signe un contrat où il est stipulé stricto sensu que l’exercice de notre fonction peut nous conduire « au sacrifice ultime ». Le soldat est donc un serviteur par essence jusqu’à la mort si besoin.
Tuer… dans quel cadre ?
Sur la notion de meurtre ou d’assassinat, je vous laisserai chercher le sens, mais arrêtons-nous plutôt sur le fait de tuer quelqu’un dans l’exercice de ses fonctions quand on est militaire. Il y a un cadre bien spécifique qui permet à un militaire, à un gendarme ou à un policier de se servir de son arme : la légitime défense, cadre très strict, qui engendre d’ailleurs une problématique dans son application en France, actuellement, et selon moi, depuis au moins une dizaine d’années. En effet, cette notion est tellement floue et me semble – étrangement – tellement orientée à l’encontre du serviteur de l’Etat que ce dernier hésite vraiment, sur le territoire français, à utiliser son arme, quitte parfois à être lui-même gravement blessé voire à en mourir.
Dans les grandes lignes, si l’on réagit de manière proportionnée à la menace, on respecte le cadre de la légitime défense. Pour définir ce cadre légal de l’action et être certain que tout le monde a le même, lorsque l’on est dans un territoire en guerre, face à des ennemis, et avant le combat, le chef donne et répercute vers le bas de la hiérarchie les règles d’engagement et donc les règles d’ouverture du feu. Ainsi, dans ce cadre légal, bien précis et strict, il n’y aura pas de meurtre. Cela ne signifie pas qu’un militaire aime tuer dans ce cadre légal. Non ! Ce n’est pas facile de tuer, même lorsque l’on est entraîné pour cela. Au risque de choquer, étant réserviste dans le cadre de la mission Sentinelle, je suis prêt à ôter la vie de quelqu’un si cela permet d’éviter qu’une école, une station de métro, un centre commercial ne soient atteints par un kamikaze ou une voiture piégée, et que des personnes ne soient, elles, assassinées, victimes de la barbarie.
Vivre en chrétien dans un environnement militaire
Être militaire m’a apporté et m’apporte toujours beaucoup dans ma vie de chrétien. La vie quotidienne du militaire n’est pas toujours facile lorsque l’on est chrétien car, entre discussions grasses et alcool, il peut être difficile de rester « pur ». Ces thèmes sont d’ailleurs communs à tout métier à forte majorité masculine où l’on ne compte pas ses heures : pompiers, policiers, gendarmes, etc. Ce sont souvent des moyens de « décompression ». Néanmoins, ce n’est pas impossible !
Cette vocation – car être militaire est bien plus qu’un métier – m’a permis de mieux appréhender le combat spirituel qui, le premier, fait rage avant tout combat physique. Les parallèles entre le combat spirituel et le combat militaire sont nombreux. Par exemple, au combat, les soldats sont toujours a minima en trinôme. Or, Jésus lui-même dit que « là où 2 ou 3 seront rassemblés en mon nom, je serai au milieu d’eux ». Ceci est valable pour le combat spirituel. La vie chrétienne est une vie de combattant, non ? Dans l’Armée, nos collègues sont nos frères et sœurs d’armes. Le « métier des armes » rapproche plus que nul autre, notamment parce qu’on sait que la vie de l’un dépend de l’autre et parce qu’on est prêt à mourir l’un pour l’autre ! Je peux affirmer que cela crée des liens d’amour de son prochain, très forts et quasi-indestructibles. On se rapproche ici, humblement, de l’amour parfait dont Jésus nous parle.
Il y a aussi un point méconnu par le grand public que j’aimerai évoquer, afin d’alimenter les prières : les Aumôneries chrétiennes (protestante, catholique, orthodoxe) aux Armées, et j’ajoute l’Union des militaires chrétiens de France. Ces deux organismes, l’un institutionnel, l’autre associatif, jouent un rôle primordial pour les chrétiens dans les Armées. Les aumôneries jouent d’ailleurs un rôle primordial pour tout militaire, quelle que soit sa religion, non-religion ou philosophie, puisque les aumôniers assurent avant tout de la relation d’aide pour tout militaire en exprimant le besoin. Ces personnes et ces entités nous apportent quotidiennement un soutien moral et spirituel avec : Pour l’Aumônerie, des moments d’échanges confidentiels et l’organisation de cultes ou de messes, jusqu’en opérations extérieures, dans les endroits les plus reculés et les plus dangereux de la planète. Et, pour l’UMCF, des journées de prière et des événements (conférences, parcours Alpha pour les militaires, etc.) visant à sensibiliser les églises sur le soutien spirituel des militaires de notre pays, chrétiens ou non.
L’Armée est une belle expérience de vie, où l’on apprend le combat, l’endurance, le dépassement de soi, le sens sacré de la mission, l’engagement, mais aussi et surtout, à vivre la discipline, le service et l’amour, jusqu’au bout. Je reste imparfait, et, tout en me reposant d’abord sur Jésus-Christ, cette expérience de vie est une aide précieuse dans mon identité de chrétien.
A propos de Pierre Bredeau
Pierre Bredeau est né en 1981. Après 10 ans passés dans l’armée, il a créé et dirige le cabinet de recrutement CIVIMIL, spécialisé dans les profils d’ex-militaires et accompagnant également des candidats avec les mêmes valeurs (esprit d’équipe, investissement, challenge, sens du service, etc.).
source : Paul&Sephora