La ville d'Emmaüs retrouvée !
Des chercheurs français et israéliens affirment avoir identifié le site où, selon les Évangiles, le Christ était apparu à deux pèlerins, au matin de sa résurrection.
Le nom d’Emmaüs évoque un épisode majeur des Écritures chrétiennes. C’est, en effet, dans ce village, selon les Évangiles, que le Christ était apparu à deux hommes, au matin de sa résurrection. Précisément décrit par Luc, évoqué de manière plus sibylline par Matthieu, le récit de ce miracle demeurait d’autant plus mystérieux que sa localisation était incertaine. Au XIXe siècle, une équipe d’archéologues français prétendait néanmoins avoir identifié le site près du village arabe d’Amwas à 30 kilomètres à l’ouest de Jérusalem. Plus récemment, un historien français, Thierry Murcia, a affirmé que l’endroit était beaucoup plus proche de la capitale de l’ancien royaume d’Israël : à Mozah, aujourd’hui Kolonieh, à 5 kilomètres du mur occidental de la ville trois fois sainte.
Une équipe d’archéologues franco-israéliens pense aujourd’hui pouvoir trancher entre les deux hypothèses en proposant une troisième localisation : à Kiryat-Yéarim, une bourgade à une douzaine de kilomètres de Jérusalem entre le village arabe d’Abou Gosh et le moshav Neve Ilan, une coopérative agricole israélienne fondée avant la création de l’État d’Israël. Le site porte bien son nom. L’appellation signifie, en hébreu (קִרְיַת יְעָרִים), « le village des arbres ». De fait, le hameau est cerné de végétation.
Site militaire à l’Antiquité
Fouillé depuis 2017, le lieu était connu jusque-là pour être l’objet d’un pèlerinage à l’époque médiévale. Le livre de Samuel énonce, en effet, que c’est à Kiryat-Yéarim que fut conservée, pendant vingt ans, l’Arche d’Alliance, avant que le roi David ne la rapatrie à Jérusalem et que Salomon ne fasse construire le premier Temple pour l’abriter. Très vite, il est apparu aux chercheurs que le promontoire rocheux avait été habité dès l’âge du fer. Les ruines fortifiées, aujourd’hui fouillées, remontent entre 1150 et 770 avant notre ère.
En décembre dernier, Israël Finkelstein, directeur de l’institut d’archéologie de l’université de Tel-Aviv qui dirige les fouilles, auxquelles le Collège de France est associé, avait publié une première étude affirmant qu’un lieu de culte et un centre administratif de première importance avaient probablement été installés là avant le VIIIe siècle. Le chercheur refait aujourd’hui parler de lui en précisant, dans le journal israélien Haaretz, que c’est sans doute en cet endroit que l’épisode d’Emmaüs, rapporté par les Écritures chrétiennes, a pris place.
Sanctuaire préchrétien
L’archéologue détaillera sa démonstration dans une publication scientifique cosignée avec le chercheur français Thomas Römer, à paraître le 24 octobre prochain (dans la revue anglophone New Studies in the Archaelogy of Jerusalem and Its Region). Il se contente aujourd’hui de dire que Kiryat-Yéarim fut le siège d’une forteresse gréco-assyrienne dès le règne de l’empereur séleucide Antiochus IV (175-164 avant notre ère) contre lequel combattit Yéhouda HaMakabi dans une révolte, commémorée chaque année, dans le calendrier juif, par la fête de Hanoucca. La découverte de graffitis et de pièces de monnaie permet d’affirmer que la Xe légion romaine prit ses quartiers à l’abri de l’imposante muraille exhumée au sommet de la colline. Ce détachement, qui devait mettre à sac Jérusalem sur ordre de Titus, y aurait caserné entre 66 et 73 après J.-C.
Le fait que Kiryat-Yéarim soit placé sur la route de Jaffa et que la topographie du village corresponde à l’évocation de l’Évangile de Luc en plusieurs points incite aujourd’hui Israël Finkelstein à déclarer qu’il pourrait s’agir d’Emmaüs. Une appellation qui désigne, en hébreu (« hammah »), une source d’eau chaude. La distance évoquée entre la ville citée par la Bible chrétienne et Jérusalem, 60 stades, coïnciderait, selon lui, avec les 12 kilomètres qui séparent les deux villes. Enfin, le fait que le site soit évoqué une douzaine de fois dans la Torah, parfois sous l’appellation de Kiryat Baal, laisserait entendre qu’un culte y était rendu en l’honneur de Baal, le roi des orages dans le panthéon cananéen. Quand on sait le soin que l’église catholique a pris dans la christianisation de centres spirituels païens… les chercheurs franco-israéliens y voient encore une fois un indice fort.
source : lepoint.fr