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Il y a 50 ans, Martin Luther King nous quittait…

« Comme tout le monde, j’aimerais vivre une longue vie. La longévité est importante, mais je ne suis pas concerné par cela maintenant. Je veux juste accomplir la volonté de Dieu. Et il m’a autorisé à grimper sur la montagne ! Et j’ai regardé autour de moi, et j’ai vu la terre promise. Je n’irai peut-être pas là-bas avec vous. Mais je veux que vous sachiez ce soir, que nous, comme peuple, atteindrons la terre promise. Et je suis si heureux ce soir. Je n’ai aucune crainte. Je n’ai peur d’aucun homme. Mes yeux ont vu la gloire de la venue du Seigneur ! » (Memphis, le 3 avril 1968).

Trois ans et demi après John F. Kennedy, deux mois avant son frère Bob Kennedy, tous les deux assassinés. Il y a cinquante ans, le 4 avril 1968 à 18 heures, le pasteur baptiste américain Martin Luther King a été assassiné, atteint par une balle à la gorge, au balcon de sa chambre du Lorraine Motel à Memphis, dans le Tennessee (États-Unis) à l’âge de 39 ans (il est né à Atlanta le 15 janvier 1929, et le 15 janvier est devenu jour férié, le MLK Day, créé par Ronald Reagan le 2 novembre 1983). Il était venu à Memphis quelques jours auparavant pour soutenir les éboueurs municipaux qui étaient en grève illimitée car très mal payés.Des dizaines d’émeutes sanglantes eurent lieu aux États-Unis à l’annonce de cet assassinat. Le Président Lyndon Johnson a décrété un deuil national. 300 000 personnes ont assisté le 9 avril 1968 à Atlanta aux funérailles en présence du Vice-Président Hubert Humphrey (représentant Lyndon Johnson en déplacement).Son assassin présumé, arrêté à l’aéroport de Londres (Heathrow) le 8 juin 1968, a été condamné à 99 ans de prison le 10 mars 1969 pour cet assassinat et, après avoir voulu revenir sur ses aveux, est mort en prison le 23 avril 1998.

Certains évoquent l’hypothèse d’une conspiration impliquant des organisations gouvernementales qu’un jury a validée en civil le 8 décembre 1999 (le Ministère de la Justice américain, après enquête, n’a cependant trouvé aucune preuve de complot en juin 2000). L’ancien candidat aux primaires démocrates de 1984 et 1988, le pasteur Jesse Jackson, qui était présent sur le balcon aux côtés de Martin Luther King lors de l’assassinat, a, lui aussi, évoqué le 15 janvier 2004 des possibles complicités gouvernementales (en particulier provenant du FBI) : « Le fait est qu’il y avait des saboteurs pour perturber la marche. À l’intérieur de notre propre organisation, on a découvert qu’une personne très importante était payée par le gouvernement. Donc, infiltration de l’intérieur, saboteurs à l’extérieur et attaques de la presse. ».

 

Fils d’un pasteur et d’une organiste, Martin Luther King fut l’un des plus grands orateurs de l’histoire des États-Unis. Docteur en théologie de l’Université de Boston (il a soutenu sa thèse le 18 juin 1955, mais une enquête universitaire a conclu en 1991 qu’un tiers du mémoire était du plagiat), il est devenu pasteur en 1953 à Montgomery, dans l’Alabama, un État ségrégationniste à l’époque. La même année, le 18 juin 1953, il s’est marié avec Coretta Scott King (1927-2006) et ils ont eu quatre enfants entre 1955 et 1963.

Sa lutte en faveur des droits civiques a commencé le 1er décembre 1955 lors de l’arrestation de Rosa Parks (1913-2005) qui avait refusé la réglementation ségrégationniste de la ville sur le transport en bus. Avec des dizaines de milliers d’autres habitants de la ville, Martin Luther King a encouragé le boycott des bus qui a commencé le 5 décembre 1955, ce qui a abouti à la décision du 21 décembre 1956 de la Cour Suprême des États-Unis qui a rendu illégale la ségrégation dans les bus, les écoles, les restaurants, et tous les autres lieux publics (la Cour Suprême avait déjà rendu anticonstitutionnelle la ségrégation dans les écoles publiques le 17 mai 1954). La lutte fut longue et difficile (plus d’un an), certains ont dû marcher une quarantaine de kilomètres par jour pour aller travailler, et beaucoup d’actes de violence ont été commis à l’encontre de ceux qui ont boycotté les bus (Martin Luther King fut arrêté, sa maison fut incendiée le 30 janvier 1956, etc.).

À partir de 1957, Martin Luther King fut le fondateur et élu le président de la Conférence des leaders chrétiens du Sud (SCLC, Southern Christian Leadership Conference) qui a pris une part active dans le Mouvement pour les droits civiques. Pendant plus de douze ans (de décembre 1955 à avril 1968), Martin Luther King n’a cessé de militer pour faire valoir les droits civiques des populations noires américaines avec deux principes essentiels : celui de la désobéissance civile et celui de la non-violence (sur le modèle du Mahatma Gandhi ; Martin Luther King est allé visiter l’Inde en 1959). Ayant parcouru près de dix millions de kilomètres pour prononcer plus de deux mille discours et sermons, il fut l’un des symboles majeurs de la non-violence.

Dans un livre publié en 1967, il expliqua la non-violence ainsi : « L’ultime faiblesse de la violence est que c’est une spirale descendante, engendrant la chose même qu’elle cherche à détruire. Au lieu d’affaiblir le mal, elle le multiplie. En utilisant la violence, vous pouvez tuer le menteur, mais vous ne pouvez pas tuer le mensonge, ni rétablir la vérité. En utilisant la violence, vous pouvez assassiner le haineux, mais vous ne pouvez pas tuer la haine. En fait, la violence fait simplement grandir la haine. Et celle-ci continue (…). Rendre la haine pour la haine multiplie la haine, ajoutant une obscurité plus profonde à une nuit sans étoile. L’obscurité ne peut pas chasser l’obscurité : seule, la lumière peut faire cela. La haine ne peut pas chasser la haine : seul, l’amour peut faire cela. ».

La non-violence, ce n’était pas le non-engagement. Après un attentat, il déclara le 19 février 1966 à la Illinois Wesleyan University : « Et il se pourrait bien que nous, de cette génération, nous devions nous repentir, non seulement pour les paroles fielleuses et les actes violents des méchants qui ont fait exploser une bombe dans l’église à Birmingham, dans l’Alabama, mais aussi pour le silence et l’indifférence scandaleux des bons qui ont gardé les bras croisés et ont dit attendre le bon moment. ».

L’un de ses discours les plus importants fut prononcé à l’issue de la Marche sur Washington pour l’emploi et la liberté, le 28 août 1963 à Washington, devant le Mémorial Lincoln, où il répéta plusieurs fois, en improvisant devant 250 000 personnes, cette fameuse phrase « I have a dream ! » : « Bien que nous ayons à faire face aux difficultés d’aujourd’hui et de demain, je fais néanmoins un rêve. C’est un rêve profondément enraciné dans le rêve américain. Je fais un rêve qu’un jour, cette nation se lèvera et vivra le vrai sens de son credo : « Nous tenons ces vérités comme allant de soi, que tous les hommes naissent égaux ». ». Rappelons que Malcolm X s’était opposé à cette marche sur Washington.

Ce type de discours a été répété plusieurs fois puisque, à Noël 1967, son dernier Noël, Martin Luther King déclara : « Je fais le rêve que les hommes, un jour, se lèveront et comprendront qu’ils sont faits pour vivre ensemble comme des frères. ».

Le discours du Mémorial Lincoln et toute son action militante lui ont valu l’attribution du Prix Nobel de la Paix le 14 octobre 1964, ainsi que le titre de « personnalité de l’année » décerné par le magazine américain « Time » pour l’année 1963 (avant de l’avoir décerné au Président Lyndon Johnson l’année suivante !). Sur le plan national, cela a permis au Président John Kennedy de faire passer au Congrès américain son Civil Rights Act contre les discriminations, qui fut promulgué par son successeur Lyndon Johnson le 3 juillet 1964. Au-delà de l’abrogation des lois ségrégationnistes dans les États du Sud, cette loi a permis la « discrimination positive » (« affirmation active »).

Au-delà de la lutte pour les droits civiques et pour la justice sociale, Martin Luther King a commencé également une campagne (inachevée) contre la guerre au Vietnam en considérant le 4 avril 1967 à New York les États-Unis comme « le plus grand pourvoyeur de violence dans le monde aujourd’hui ».

Lors de la remise de son Prix Nobel le 10 décembre 1964 à Oslo, il avait même donné son point de vue très idéaliste : « Je refuse d’accepter la notion cynique que nations après nations doivent descendre l’escalier militariste vers l’enfer de la destruction thermonucléaire. Je crois que la vérité désarmée et l’amour inconditionnel auront le mot de la fin en réalité. C’est pourquoi le bien, même temporairement vaincu, est plus fort que le mal triomphant. ».

Ce fut pour cette raison, cet idéalisme exprimé, que Martin Luther King a montré qu’il était plus un homme religieux qu’un homme politique (tout en restant attaché à la laïcité). Plus attaché à l’être qu’à l’avoir dans une société qui commençait à être consumériste : « Nous devons rapidement commencer à passer d’une société orientée vers les choses à une société orientée vers la personne. Quand les machines et les ordinateurs, les motifs de profits et les droits de propriété sont considérés comme plus importants que les individus, les triplés géants du racisme du matérialisme et du militarisme sont impossibles à battre. » (1967).

Pour conclure ce modeste hommage à cet homme exceptionnellement clairvoyant et pacifiste, je propose cette dernière citation, qui date du 10 décembre 1964 (à l’Université d’Oslo) mais qui est toujours valable dans notre monde de 2018 : « Je refuse d’accepter que le désespoir soit l’ultime réponse aux sinuosités de l’histoire. (…) Je refuse de croire que l’homme n’est qu’une épave dérivant à la surface de la rivière de la vie, incapable d’agir sur son environnement. » (Phrases également rappelées par l’américaniste Sylvie Laurent dans sa biographie publiée au Seuil en 2015).

 

source : https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/martin-luther-king-le-reve-tourne-203061